Enquêtes sur les photos DS et aviation

Pierre est jeune retraité et plutôt à l'aise dans l'informatique, la géographie et la recherche documentaire.

Il a postulé un jour pour devenir l'appui du Dr Danche pour des recherches de localisation de clichés d'époque.

Je n'ai pas refusé.

J'ai eu raison.

Dr Danche.

 

Episode 1: Toussus le Noble

- une enquête de Pierre

Il y a, dans le fonds des archives terre blanche (ex Conservatoire Citroën) proposé sur internet par Roger-Viollet, cette photo d'une DS sans doute gris rosé à toit bleu, légendée:

 

"Toussus le Noble. Mademoiselle Limausse-Harret assise à bord d'une DS 19 stationnée à côté d'une piste en 1955."

Sur internet, le nom de famille "Limausse" ne semble pas exister, ce ne sera donc pas simple de retrouver sa trace.

 

 

Il y a aussi celle-ci, d'une DS sans doute champagne à toit aubergine, légendée:

"Toussus le Noble. M. Lalus assis à bord d'une DS 19 stationnée à côté d'une piste en 1955."

Internet n'a pas gardé trace de M. Lalus, je ne sais donc pas qui c'est.

Et sur le site du Dr Danche, il y a aussi ces clichés.

C'est la même période, celle de devant est la 2125 WO qu'on a vue plus haut avec Mlle Limausse-Harret, et il y a une ambiance globale d'aérodrome.

 


Notre bon Docteur s'interrogeait, sur sa page des prototypes W0 : "Je ne sais pas où c'est pris. Y a-t-il un tel rond point près de Toussus le Noble?"

J'ai cherché, et voici la réponse, avec une vue de la tour de contrôle de Toussus le Noble, prise au début des années 50.

On peut se dire que le rond-point est le bon (on reconnaît la partie centrale), et que la vue des DS, prise en hauteur et dans l'axe du rond-point, a certainement été shootée depuis le second balcon.

 

 

 

Les trois vues aériennes (1955) ci-après confirment qu'il n'y a pas d'autre rond-point de style comparable qui serait candidat autour de Toussus.

Sur la troisième vue, on voit clairement que la ligne brisée visible à l'arrière sur la photo des cinq DS fait partie de la délimitation du parking des avions.

 

 

 

Mais pourquoi personne n'a-t-il signalé plus tôt ce rond point, pourtant évident, au Dr Danche qui se questionnait? Aurait-il disparu?

Cette photo de 1963 montre que le rond-point est encore là, sans évolution notable de la zone.

 

 

 

Sur cette vue en couleurs on voit que le parking voiture s'est agrandi, et qu'apparaissent des barrières supplémentaires. On est vers 1967.

 

 

 

Mais en 1972, le rond-point a disparu: on constate que le parking avion a été agrandi, une bande de terre a été ajoutée en prenant sur l'herbe, ce qui rapproche le parking de la tour-vigie. Seule est conservée l'allée en diagonale entre la tour et le parking avion.

On voit aussi qu'un bâtiment a été implanté à droite de la tour-vigie sur la photo (à l'Ouest géographiquement)

 

 


Il s'agit du premier pavillon d'honneur de l'aéroport d'Orly, démonté (car en bois) puis reconstruit vers 1970 à Toussus, qui avait été baptisé Isba (maison en russe) car le premier à y avoir été reçu à Orly était le président russe Nikita Khrouchtchev (23 mars – 3 avril 1960).

Parmi les derniers à y avoir été reçus à Orly, on peut citer l'équipage d'Apollo 11 (Neil Amstrong, Edwin Aldrin, Michael Collins), qui y furent reçus le 08 octobre 1969 dans le cadre de leur tournée mondiale (23 pays, 6 semaines) post-mission lunaire  ( https://www.dailymotion.com/video/xfejin )

Ici une vue en 1982 montrant le pavillon (reconverti à Toussus en aérogare passagers) et la tour de contrôle.

 

 
Ce bâtiment brûlera accidentellement en 1996. L'incendie fut provoqué par un camion de pompier qui le percuta à la suite du malaise de son conducteur (il faut le lire pour le croire)  

Après cette longue digression sur cet aéroport de Toussus le Noble, expliquant que le rond point, disparu au début des années 70, ait été effacé de la mémoire collective, revenons au shooting des DS.

Cette photo est donc prise depuis le bâtiment de la tour de contrôle.

 

Et les clichés de Mlle Limausse-Harret et de M. Lalus sont clairement pris très près du rond point.


Concernant la date de ces prises de vue, nous sommes en 1955: les DS font partie des prototypes ou des quelques premières produites en série, lorsque le levier de commande de hauteur n'était pas présent pour les DS françaises (absence de téton dans le longeron de la DS de M. Lalus).


 

voici en rouge leurs emplacements (DS de M. Lalus en haut, DS de Mlle Limausse-Harret en bas)

Et avec les flèches, c'est le sens dans lequel vont les DS sur les photos d'époque.

 

Episode 2: Leopold Galy, pilote d'essai de la caravelle

- une enquête de Pierre

Il y a, dans le fonds des archives terre blanche (ex Conservatoire Citroën) proposé sur internet par Roger-Viollet, cette photo, légendée:

"Homme debout à côté d'une DS 19 stationnée devant l'avion La Caravelle en 1956."

 

Et un regard aiguisé peut déchiffrer les premiers numéros de la plaque: 900.

Et voir que la Caravelle est immatriculée F-WHHH, c'est celle du premier prototype.

 

Or, une autre page du Dr Danche, dédiée aux toutes premières DS de l'Aude et de Haute-Garonne, nous dit ceci:

"la DS numéro de série 227 fut vendue neuve le 2/02/1956 à Leopold Galy, pilote d'essai de la Caravelle, la personne idoine pour tester une DS pas au point."

... et je constate que son immatriculation "900 EC 31" commence donc par 900.

Tiens tiens...

 

 

Une vérification sur internet du visage de L Galy lève les derniers doutes: on est en réalité face à une photo de Leopold Galy, pilote d'essai du prototype de la Caravelle, posant près de SA DS19.

Ce qui change la donne, en étant autrement plus précis que la référence donnée chez Roger-Viollet ou que le fascicule d'Hachette accompagnant en Janvier 2025 le lancement d'une maquette au 1/6ème, dans lequel je lis:

"Une DS19 d'octobre 1955 prend ici la pose devant l'avion du futur, la Caravelle, premier avion français à réaction français destiné à transporter des passagers. La Caravelle a effectué son premier vol en mai 1955, tandis que le DS finalisait sa mise au point."

"Ils sont vraiment nuls", semble penser L Galy sur la photo ci-dessous.

Car bien sûr cette DS n'est pas d'Octobre 1955, puisqu'elle a été produite en Janvier 56 et immatriculée en Février 56.

 

Suite à la parution de cette page, Jean Marie, un lecteur de nauncierds, a apporté une très belle confirmation à cette enquête.

En effet, il a acheté voici 15 ans ce tirage photo à un brocanteur de Toulouse.

Et au verso on trouve: 2 Mars 1956, M Galy, pilote de la Caravelle et S.N.C.A.S.E. (Société nationale des constructions aéronautiques du Sud-Est)- Usine de Toulouse. Donc là où fut étudiée et construite la Caravelle.

Au moment de la photo, cette DS était immatriculée depuis un mois tout rond!

 

Episode 3: visite à l'aérodrome de Chavenay avec le Dr Danche

- une enquête de Pierre

Il y a, dans le fonds des archives terre blanche (ex Conservatoire Citroën) proposé sur internet par Roger-Viollet, toute une série de photos légendées de façon similaire.

 

 

Par exemple celle-ci est légendée:

"France, Châtenay. Femme faisant un signe de la main appuyée sur le capot d'une DS 19 vers un aérodrome en 1956."

 

 

puis on trouve:

"France, Châtenay. Femme fouillant dans le coffre d'une DS 19 vers un aérodrome en 1956."

"France, Châtenay. Femme posant près d'une DS 19 vers un aérodrome en 1956."

"France, Châtenay. Femme discutant avec un homme assis dans une DS 19 stationnée sur un chemin en 1956."

etc.

 

J'ai cherché sans succès où serait située cette ville de Chatenay, hébergeant un aérodrome à planeurs.

 

Mais, de fil en aiguille, j'ai compris que l'aéroport de ChaVenay, avec un V, dans les Yvelines, avait autrefois proposé cette spécialité.

 

 

Et j'ai identifié divers indices qui localisaient l'emplacement du shooting romantique.

 

Et j'ai donc convoqué le Dr Danche sur place, à Chavenay, avec sa DS, en lui disant que j'avais du nouveau.

L'instant d'après, il était là.

 

Je lui ai indiqué l'endroit pour le shooting.

Bien sûr, on peut toujours faire mieux...

... a lors j'ai demandé à Danche de manoeuvrer, de retirer sa petite housse orange qui faisait moche, pendant que les vélos nous dépassaient en ronchonnant autant que lui.

 

 

L'endroit est le bon.

Mais je trouve qu'on aurait pu faire mieux, j'ai déjà dit à Danche qu'on y retournerait.

C'est sur l'angle exact de la voiture qu'on doit encore travailler.

Et puis il nous faut aussi une Danchette avec sa brassée de fleurs des champs, et un outil pour démonter la glissière de sécurité qui gâche la photo.

Ensuite, on est allés à l'aérodrome de Chavenay.

Le hasard veut que l'endroit abrite des clubs aéronautiques de grandes marques françaises (mais pas Citroën).

 

On a bien repéré l'endroit du shooting de 1956, mais divers bâtiments construits depuis empêchaient une restitution in situ avec la DS.

 

On s'est alors dirigés vers l'ancienne tour de contrôle de 1956 pour voir si des locaux pourraient confirmer ou nous en dire plus.

 

Et là ... incroyable .... une DS était garée! Une 21ie 1971 de belle allure, garée près de gens en picnic, des habitués de l'aérodrome.

 

 

Nous avons fait connaissance et expliqué nos recherches et notre démarche, et le propriétaire de la 21ie nous en a fait les honneurs.

Il s'occupe lui même de cette voiture, et il a aussi dans le Sud de France celle de famille, aussi une DS21ie, mais en millésime 72, gris nacré intérieur rouge.

Il nous a alors menés jusqu'au hangar de l'aérodrome où il avait récupérée, abandonnée, cette DS sable métallisé il y a une vingtaine d'années.

Ici même! Ici même!

Ici même! Ici même!

Ensuite l'homme nous a fait faire tout le tour du site.

Après tout, puisqu'on était un genre d'historiens, et qu'on avait de vieilles photos, il allait nous en dire plus.

 

Déjà l'avion remorqueur Caudron historique du club de Chavenay avait survécu, il venait d'être remplacé à l'époque de nos photos, il était dans les réserves du Bourget, le Luciole F-AOFX.

https://www.museeairespace.fr/aller-plus-haut/collections/caudron-c-277-luciole/

 

On a eu des rudiments sur l'histoire de cet aérodrome en val de Gally (avec 2L, rien à voir avec le pilote d'essai), et de l'ordre d'apparition des divers bâtiments, qui ont confirmé notre emplacement, avec le château de St Nom la Breteche en repère tout au fond.

Chavenay-Villepreux, un destin partagé entre avions et planeurs. – ANCIENS AÉRODROMES

Et enfin, il nous a montré des vestiges de barrière blanche.

"Avant il y en avait sur tout l'aérodrome, on les voit sur vos photos! Là, ce sont les dernières, elles ont été oubliées ici"

 

Ce qui a conclu une belle journée ensoleillée et une rencontre assurément hors du temps.

 

 

 

 

Epilogue, par le Dr Danche

DS et aviation est un vaste sujet iconographique.

 

Et nul doute que vous aurez d'autres idées pour alimenter ce dossier.
Première contribution reçue de Corsaire!